My recent article, "America Tested by the Rise Foreign Nationalisms," was published in the April 2015 edition of ENA Hors les Murs.
The article takes a look at US foreign policy, and Washington's posture abroad, when confronted by the rise of nationalisms around the globe - looking especially at the cases of its sole peer competitor (China), historical allies (Japan, Israel), and potential strategic partners (India, Russia) - and the particular challenges each poses to US interests.
The article takes a look at US foreign policy, and Washington's posture abroad, when confronted by the rise of nationalisms around the globe - looking especially at the cases of its sole peer competitor (China), historical allies (Japan, Israel), and potential strategic partners (India, Russia) - and the particular challenges each poses to US interests.
The consequences, posited in this article, demand a reflection on the US' role and means in defending and projecting its influence amid shifting balances in a world dissatisfied with the consequences of globalization, as evidenced by the rëemergence of powerful "domestic fronts."
The full article (in French) after the jump.
L’Amérique à l’épreuve des nationalismes
étrangers
avril 2015 / n°450
L’Amérique d’aujourd’hui
est confrontée à une vague de nationalismes qui touche différentes régions du
globe. Son peer competitor chinois,
ses partenaires stratégiques potentiels autrefois courtisés (l’Inde, la Russie), ses alliés historiques
(Japon, Israël) posent problème, et les dirigeants américains suscitent, par
leurs attitudes respectives, des débats complexes dans lesquels Washington n’a plus
toujours le même contrôle que jadis. Dès lors, la capacité d’influer sur les
réalités devient un critère d’évaluation de la politique étrangère de Barack
Obama, tant pour ses opposants que pour ses supporters. Surtout, cette montée
des nationalismes met en question le rapport de l’Amérique à l’altérité, que
cet « Autre » soit considéré comme ennemi, comme partenaire, ou comme
Etat clef à influencer.
La menace chinoise
En premier
lieu la Chine, désormais principal peer
competitor des Etats-Unis dans le monde, entretient un discours ferme, de
plus en plus nationaliste. En décembre 2014, le président Obama a critiqué le
président chinois Xi Jinping pour la marche forcée de sa consolidation de pouvoir,
tout en critiquant son discours nationaliste sur les revendications
territoriales et maritimes (notamment en Mer de chine du Sud) , le tout, de
surcroît, sur une toile de fond domestique de harcèlement de la dissidence, d’hostilité
à la liberté de l’Internet et de durcissement sur les droits de l’homme. Malgré
les espoirs sans doute excessifs qu’aurait pu entretenir l’Occident lors de
l’arrivée au pouvoir du président Xi (réformes domestiques, discours responsable
sur rôle de la Chine sur la scène internationale), le « rêve
chinois » risque de se transformer en posture belliqueuse. Bien que
l’accent soit sans doute mis sur la croissance économique et le développement, la
possibilité d’un discours anti-occidental (Xi a déjà fait évoquer négativement « les
méthodes occidentales ») renforcé par une augmentation des capacités militaires,
est envisagée.
Henry
Kissinger a longtemps souligné que Chinois et Américains n’avaient aucun intérêt
stratégique à une confrontation bilatérale, et devaient choisir la coopération.
aujourd’hui la Chine détient
environ un cinquième de la dette américaine, ce qui renforce encore cette
interdépendance. Mais la ferveur nationaliste observable à Pékin risque d’éclipser
ces considérations libérales, tandis que Pékin se sent plus libre de marquer sa
distance avec Washington sur d’autres enjeux internationaux importants. Si
quelques acteurs importants comme Hillary Clinton prônent encore l’approfondissement
du dialogue, le nationalisme chinois suscite une riposte nationaliste aux Etats-Unis,
qui insiste sur la menace potentielle ainsi faite à la prééminence politique américaine,
à son industrie de manufacture, à ses valeurs démocratiques libérales, et les
dangers qui pèsent sur ses alliés asiatiques. Ce sentiment de menace n’est pas,
pour l’heure, partagé par l’opinion publique américaine, mais le discours
stratégique des « faucons »
sur la Chine pourrait se transformer en rhétorique interne de suspicion et
de protectionnisme à la veille des échéances électorales.
Échec du reset avec Moscou et Delhi
Dans la même
région, les Etats-Unis doivent également faire face aux nationalismes de l’Inde
et de la Russie, pourtant rêvés au début du premier mandat d’Obama comme des
partenaires possibles dans le grand jeu de la Realpolitik. Washington
comptait en effet sur eux pour des coopérations importantes. George W. Bush avait
ainsi signé un accord sur le nucléaire avec l’Inde dans l’espoir que Dehli
soutiendrait l’Amérique contre la Chine ; Obama a tenté dès le début de sa
présidence un « reset » avec la Russie, partenaire possible dans la
lutte contre le terrorisme. Le nationalisme hindou de Narendra Modi, les
déclarations enflammées de certains de ses ministres les plus importants (« l’Inde
est un pays composé d’hindous et de bâtards »…) remet en cause cette
politique indienne. Avec Moscou, le reset a tourné court. L’annexion de la
Crimée sonne désormais comme une preuve de l’échec d’Obama, et de la naïveté de
ses tentatives pour convaincre d’autres puissances de partager avec l’Amérique une
grande vision politique pour le nouveau système international post-bipolaire.
En attendant de mesurer l’impact réel des sanctions économiques infligées à
Moscou, Obama est accusé de faiblesse face à un discours nationaliste russe qui
ne se cache plus (avec des références fréquentes à l’histoire impériale russe),
inquiète les alliés européens des pays d'Europe centrale et orientale, et se
poursuit lui aussi sur fond de répression interne.
Plus
problématiques encore, peut-être, que les nationalismes retrouvés du peer competitor chinois et des
partenaires russe et indien d’une Realpolitik
introuvable, le nationalisme de certains
alliés, notamment le Japon et Israël, risque de menacer les intérêts
stratégiques américains dans ces zones respectives – Asie et Proche-Orient.
Les revendications japonaises
Le Japon de
Shinzo Abe ne cherche plus à éviter la montée
des tensions avec ses voisins chinois ni d’ailleurs sud-coréens. Son ambition
de transformer la capacité militaire japonaise en force assumée (et non plus réduite
à la défense du territoire), l’abolition de l’article 9 (restreignant la
possibilité d’interventions militaires), la modification de la constitution
pacifiste écrite dans l’après-guerre par les Américains, la réaffirmation des revendications
territoriales (y compris vis-à-vis de la Russie sur les Kouriles), inquiètent Washington.
Abe évoque fréquemment une menace militaire chinoise, sa visite controversée au
sanctuaire Yasukuni, ses propos révisionnistes sur la Seconde Guerre mondiale
(notamment sur les femmes coréennes enrôlées de force dans la prostitution),
font peu de cas des susceptibilités ou des intérêts de ses alliés. Les
Etats-Unis, qui ne souhaitent pas exacerber les tensions avec Pékin, se
retrouvent gênés par cette rhétorique, du fait de ses accords de sécurité avec
le Japon et le stationnement de ses troupes sur le sol japonais. Washington
craint désormais une montée des hostilités débouchant sur un incident (maritime
par exemple) qui en cas de dérapage entraînerait Washington dans une situation
incontrôlable, à l’heure où la fameuse politique du « pivot » fait de
l’Asie la nouvelle priorité de politique étrangère.
Israël est
un autre casse-tête pour Washington. Les déclarations du premier ministre Benjamin Netanyahu pour
mobiliser la droite en sa faveur aux dernières élections ont incontestablement
choqué. Les diatribes contre le nombre élevé d’arabes israéliens s’apprêtant à
voter, les allusions à l’existence d’un complot international pour le
renverser, la justification de la colonisation pour des raisons géopolitiques,
surtout la promesse d’empêcher à tout prix la création d’un Etat palestinien,
n’aident pas à plaider la cause de l'Etat hébreu dont Washington est perçu dans
le monde comme l’allié inconditionnel.
Ajoutons à cela le style personnel de Premier ministre israélien, qui a accepté
une invitation de John Boehner pour s’adresser aux deux chambres du Congrès
sans avoir préalablement consulté le président, afin de venir dénoncer aux
Etats-Unis même la position d’Obama dans les pourparlers avec l’Iran. Considéré comme une insulte diplomatique sans
précédent, cet épisode n’a pas suscité de réponse immédiate du président, mais
a dégradé les relations. Après la victoire de Likoud et au moment de la
constitution d’un bloc gouvernemental d’ultra-droite nationaliste, Obama a
condamné les remarques du premier
ministre comme nuisibles à l’objectif des Etats-Unis de promouvoir une solution
à deux Etats. Washington n’exclut plus une révision de sa posture
moyen-orientale, y compris le soutien à une résolution onusienne pour
reconnaître un Etat palestinien. Le parti républicain, silencieux dans les
jours qui ont suivi les déclarations israéliennes, se retourne maintenant
contre Obama, accusé de trahir son allié. Mais des démocrates aussi bien que
des figures importantes comme le Général Petraeus ont sonné l’alarme, estimant
que l’attitude d’Israël menaçait directement les intérêts nationaux et la
sécurité des Etats-Unis. En d’autres termes, le discours dur d’Israël déclenche
à la fois un débat houleux aux Etats-Unis une fenêtre d’opportunité pour une
rupture stratégique, et impose des repositionnements probables aux candidats à
l’élection de 2016. Hillary Clinton, supporter fervente d’Israël, pourra-t-elle
par exemple rester sur cette ligne ?
Chacun de ces
trois types de nationalisme – celui du rival, de l’interlocuteur ou de l’allié
– oblige les Etats-Unis à s’adapter à un paysage international plus hostile aux
mécanismes de la mondialisation, et à une vision libérale de l’interdépendance.
Surtout, ces nationalismes imposent une réflexion américaine de politique
étrangère sur le rapport à l’Autre. L’Autre avec ses propres intérêts, agendas,
identités, valeurs, et logiques. L’Autre qui ne souhaite pas être réduit au
rôle d’accessoire d’une politique étrangère américaine. L’Autre qui résiste
pour des raisons intérieures à la raison impérieuse de la Realpolitik ou de l’alliance. La question qui se pose pour l’establishment politique américain est
alors la suivante : dans quelle mesure les Etats-Unis doivent-ils encore essayer
d’influencer avec les moyens traditionnels les réalités et comportements extérieurs,
au risque de renforcer des réactions nationalistes ou identitaires ? Un
aggiornamento des pratiques de l’influence américaine n’est-il pas à l’ordre du
jour ? C’est là un défi de relations internationales qui dépasse la seule
politique étrangère américaine, et qui implique une refondation des socles
mêmes et des principes du dialogue interétatique, de plus en plus otage des
« fronts domestiques ».
Amy Greene est politologue américaine, spécialiste des Etats-Unis et auteur du blog Potusphere. Elle collabore avec des think tanks et responsables politiques français, européens et américains. Auteur de L’Amérique Après Obama (Autrement, 2012), elle enseigne la politique américaine à Sciences Po Paris.